Écrire le dessin
Une exploration des systèmes

Introduction

Qu’est ce que dessiner dans le contexte de la programmation?

Selon Francis Hallé1, botaniste, biologiste et dendrologue, un dessin est un tracé et il le décrit comme étant un acte sans intermédiaire, du cerveau jusqu’à la main du dessinateur. Le dessin serait pour lui une œuvre de la pensée humaine où s’impose un dialogue avec le sujet. Si le dessin reste bien une œuvre de la pensée humaine lorsqu’il est programmé, il est pour autant bien loin d’être sans intermédiaires. Il peut parfois même passer par de multiples étapes, dont la première est toujours l’une des plus importantes: la description. Elle doit être explicite et précise sur le sujet destiné à être représenté. Elle oblige son auteur à bien comprendre et analyser son sujet, afin qu’il puisse par la suite l’expliquer à d’autres, ou pour l’encoder dans une machine.

John Berger considère dans Il y'a une minute du monde qui passe2 que l’image dessinée contient l’expérience du regard:

Une photographie est la preuve d’une rencontre entre l’événement et le photographe. Un dessin met lentement en question l’apparence d’un événement et, ce faisant, il nous rappelle que les apparences sont toujours une construction avec une histoire.

Que devient alors l’expérience du regard lorsqu’elle passe par une description stricte et précise comme un langage de programmation, et/ou lorsqu’elle est interprétée et représentée par un tiers? Que devient le dessin lorsque nous ne possédons plus que le texte qui le décrit? Le code est-il une sorte de plan de construction du dessin?

Décrire un sujet dans un langage de programmation, c’est décrire strictement ses coordonnées dans l’espace ou il se trouve, mais aussi ses couleurs et tous les protocoles nécessaires à sa réalisation ( Commencer par le toit d’une maison, par les fondations, etc.) . Toutes ces questions dont la résolution tend souvent à être quasi-automatique lors de l’exécution manuelle d’un dessin prennent un autre sens en le programmant. C’est en nous mettant face à cette obligation véritable de construire que la programmation nous propose de réinterroger les formes en les décomposant, et de déconstruire les automatismes.

Les débuts de l’art par ordinateur, de nouveaux processus à explorer avec de nouveaux outils

Le développement de la pensée algorithmique à travers les pionniers des arts numérique

L’exposition «Generative Computer Grafik» de Georg Nees s’est déroulée le 5 février 1965 à la Studiengalerie of Technische Hochschule Stuttgart, (maintenant Université de Stuttgart fondée en 1959 par Max Bense, dont Georg Nees était l’étudiant ). C’était la première exposition à présenter des dessins générés par l’exécution d’algorithmes sur un ordinateur numérique sous le contrôle d’un programme. Les dessins apparaissent sur un ruban de papier perforé3, avant d’être générés physiquement par une machine a dessin, le plotter ZUSE Graphomat Z64, une machine que Konrad Zuse avait initialement conçu pour la production de cartes et d’enregistrements fonciers. Plus jeune, Georg Nees étudie la physique et les mathématiques. Il travaille ensuite pour Siemens en tant que développeur de logiciels, et c’est là qu’il découvre le plotter, qu’il fait fonctionner avec le langage de programmation ALGOL, conçu spécialement pour le ZUSE Graphomat; il commence alors ses premiers tests de dessin généré par ordinateur. Les visuels qu’il produit ont toujours une relation entre ordre et désordre, qu’il réalise avec des fonctions aux paramètres aléatoires dans ses compositions4. Le langage ALGOL, comme le FORTRAN, est orienté vers le calcul numérique5.

Deux mois après l’exposition de Georg Nees, se déroule la première exposition publique de A. Michael Noll du 6 en 1965 à la Howard Wise Gallery de New York. Avant de devenir professeur émérite de communication à l’école Anneberg, A. Michael Noll est chercheur dans les laboratoires Bell, qui mettent à sa disposition l’IBM 7090. Huit dessins qu’il a créé sont documentés dans un mémorandum technique nommé Patterns by 7090, écrit le 28 août 1962 par A.Michael Noll lui-même. Il indique que la nomination Patterns est utilisé dans le but d’éviter un débat autour de la machine en tant qu’artiste. Les dessins obtenus sont essentiellement des compositions faites de segments aux longueurs variées tracés de part et d’autre de la feuille, sans que le crayon ne se relève. Pour ce faire, il détermine d’abord un tableau de points, qui se compose de paires de coordonnées sur les axes x et y, listés dans l’ordre dans lequel ils doivent être tracés. Puis, un sous-programme qu’il nomme White Noise Generator, calcule un autre tableau de nombres aléatoires. Si le point est hors de la limite du traceur, celui-ci est recalculé jusqu’à ce qu’il tombe dans la zone6. Frieder Nake expose peu de temps après ses dessins, une première fois à la Galerie Wendelin Niedlich à Stuttgart 1965, accompagné de Georg Nees. Il produit ses premiers travaux en 1963, qui ont fortement été influencés par L’esthétique de l’information de Max Bense, une théorie esthétique mathématiquement rigoureuse, elle même influencée par la théorie de l’information de Claude Shannon.

Jusqu’en 1969, Frieder Nake continuera de s’intéresser, de travailler et de produire avec de nombreux programmes complexes. Il est à la tête du «compArt: Center of Excellence Digital Art», un projet de recherche dédié à la recherche et au développement dans les domaines de l’art, de l’informatique, du design et de l’enseignement qu’il démarre en 1999. The compArt database Digital Art (daDA) est une base de données qui recense de nombreux travaux liés à l’art numérique.

Frieder Nake explique dans une interview en 2005, que l’émergence de l’algorithme est un élément central à notre compréhension de l’art.

Quand au milieu des années 1960, ces premiers dessins sont apparus sur les murs de certaines galeries, et ensuite en 1968, dans deux salons remarquables qui sont respectivement à Londres (Cybernetic Serendipity: The Computer and the Arts2) et à Zagreb (Tendencies 4: Computers and Visual Research), J’ai pensé—et étais en fait convaincu—que quelque chose de drôle, de remarquable se passait, mais destiné à ne rester qu'un événement marginal7.

Loin d’être marginal, le dessin algorithmique est toujours observé et étudié avec grand intérêt, comme le montre l’exposition récente Automat und Mensch dans la galerie Kate Vass à Zurich, ou Frieder Nake est exposé au côté de Georg Nees, ainsi que de nombreux autres artistes. Cette exposition s’inscrit dans la nouvelle tendance actuelle autour de l’intelligence artificielle, et permet de revenir aux racines de ce mouvement, tout en cherchant à mettre en valeur ces pionniers de l’art génératif algorithmique. L’exposition juxtapose des œuvres récentes et anciennes, pour faire ressortir leurs traits communs8.

Pour revenir au dessin algorithmique, Frieder Nake le décrit comme une image algorithmique qui existe en double : la surface et la sous-face. Il insiste sur l’importance de penser à l’image plutôt que de la faire, puisque le processus de fabrication est attribué a l’ordinateur. La pensée est plus importante puisque c’est elle qui concevra l’algorithme, qui lui ensuite calculera toutes les possibilités.

Comme il l’explique dans sa conférence « Calculating machines like drawing? And if so, why?»9, la question de l’ordinateur comme machine artistique était, en 1965, au cœur des recherches du mouvement [New] Tendencies à Zagreb au sein du collectif « The algorist ». Comment était-il possible qu’une machine puisse dessiner, dans les années 1960 alors que peu de monde avait déjà vu ou expérimenté l’ordinateur, et qu’il n’y avait toujours pas d’écran de contrôle. Lorsque Georg Nees et Max Bense prennent la parole à l’ouverture du «Generative Computer Graphik», il expliquent qu’il est possible de faire dessiner un ordinateur. Le public est surpris et l’un des professeurs d’art s’adresse a Georg Nees en lui demandant si il peut faire dessiner l’ordinateur comme il le ferait lui-même, ce à quoi répond Georg Nees par une affirmation : «Oui, bien sûr que je peux, si tu me dis comment tu fais! ». Ce qu’il veut dire par là, c’est qu’une machine qui dessine n’est pas magique, mais simplement implémentée avec des données qui décrivent explicitement le dessin. Seulement ce qui est explicite peut devenir un programme, et il doit être explicite dans une forme compréhensible par la machine.

Schématiser, corriger, coder : les allers-retours de Vera Molnàr

Comme l’explique David-Olivier Lartigaud dans Art++, pour faire dessiner une machine dans les années 1960, il faut tout d’abord en écrire le programme. À ce moment-là les logiciels de graphisme ou les langages de programmation «destinés aux artistes» n’existaient pas encore10. C’est une pratique qui est loin d’être étrangère à Vera Molnàr, pionnière des arts assistés par ordinateurs avec ses œuvres basées sur des systèmes. Elle étudie aux Beaux-arts de Budapest entre 1942 et 1947 et s’intéresse à la peinture abstraite, géométriquement et systématiquement déterminée. Les éléments les plus récurrents dans ses travaux sont le carré et le rectangle, même si elle a une production très vaste et diversifiée. Elle imagine des systèmes pour composer avec les formes géométriques et recherche les variations qu’elle peut provoquer dans les structures des formes.

Dans une recherche que propose Pierre Braun11 sur les journaux intimes de l’artiste, regroupé au sein d’une édition CD-ROM12, il explique que le dessin est édité à plusieurs niveaux, et qu’une forme de transcodage apparaît : «Les dessins que l’artiste esquisse ou appose sommairement dans ses journaux sont littéralement édités comme les lignes d’instructions d’un programme»13. D’abord, l’artiste écrit un programme qui donnera une première production visuelle. Elle imprime les formes qu’elle obtient et les colle dans ses journaux. Il lui arrive de les redessiner à la main, d’écrire les variables qui provoqueront les modifications dans la composition. Le dessin passe par plusieurs phases de conceptualisation et de conception.

Les dessins dans ses journaux sont aussi en quelque sorte un storyboard, ou plusieurs schémas sont dessinés et forment la construction du dessin final. On observe chaque étape de la construction du dessin, avec ses interrogations, ses doutes, ses modifications. Elle esquisse aussi probablement pour se rendre compte de ces étapes qu’elle va devoir mettre en place pour aboutir au résultat. Elle se sert du dessin pour projeter ses idées et éclaircir les différentes plans nécessaires à la création.

Lorsqu’elle parle de l’ordinateur, Vera Molnàr déclare que l’apparition du moniteur a changé sa pratique et a même été une révélation pour elle. Elle y voyait une manière de dialoguer instantanément avec la machine. Pour elle, l’ordinateur, s'il est employé comme simple outil, ne peut aider en rien, mais il est quand même source de surprise14. Lors de la création d’un programme, quelques variations dans les nombres peuvent créer un résultat visuel très inattendu. On peut aussi choisir de développer les règles à l’avance ou de les modifier au fur et a mesure du travail. Comme elle l’explique, le peintre aussi le fait avec son pinceau, mais le programme lui, peut parcourir des millions de possibilités en quelques instants. La réalisation des idées se fait plus rapidement, et on peut tester plus vite si cela marche ou non15.

Un seul programme pour une infinité de résultats

Manfred Mohr est aussi un des grands noms de l’art algorithmique. Il débute sa carrière en tant que musicien de jazz, et la musique à fait partie d’une de ses grandes inspirations dans la conception de formes et de systèmes.

Artificiata I présente les derniers dessins de Manfred Mohr en 1968-1969, avant qu’il ne commence à utiliser l’ordinateur pour dessiner. Il imagine cette œuvre comme une sonate visuelle artificielle, et pensait écrire Artificiata II en utilisant l’ordinateur, ce qu’il ne fera finalement qu’en 201216.

Le 11 mai 1971 s’ouvre l’exposition Computer Graphics - Une Esthétique Programmée, avec des œuvres entièrement calculées par ordinateur numérique et dessinées par un traceur. Il écrit aussi ses programmes en FORTRAN IV. Son site internet http://www.emohr.com/ est une grande galerie qui contient de nombreuses informations sur son travail, et son parcours sur l’écriture d’algorithmes. Pour chaque projet, il y a une description du programme précise. Manfred Mohr à commencé à réaliser des dessins algorithmiques sans même posséder de plotter. C’est le cas de Computer Generated Random Number Collage, qu’il décrit comme un collage musical visuel, évoquant le rythme et les fréquences. «J’ai réalisé ces dessins en collant des lignes rectangulaires blanches sur du papier noir en fonction des nombres aléatoires générés.»17

Autour d’une ligne centrale, des nombres aléatoires déterminent la position, la hauteur, la largeur et l’existence des lignes blanches rectangulaires. Il s’agit d’un collage musical visuel, évoquant le rythme et les fréquences.

Dans une des ses œuvres nommée P-18, «Random walk», il explique qu’il définit le cadre et la manière dont le dessin est tracé en choisissant des éléments auxquels il attribue des paramètres variables. L’algorithme sélectionne ensuite les éléments parmi les contraintes données.

Les éléments sont des lignes horizontales, verticales, à 45 degrés, des ondes carrées, des zig-zags et ont des probabilités pour la largeur et la longueur des lignes. Dans une zone définie, l’algorithme choisit dans l’alphabet pour créer une marche aléatoire. Les dessins utilisant cet algorithme sont numérotés P-16, P-17 et P-18.

Suite à la découverte des multiples résultats du programme P-18, Manfred Mohr pour la première fois de sa vie voit quelque chose qu’il n’avait jamais expérimenté dans un environnement artistique : l’obtention de plusieurs résultats avec une seule et même logique. Quelques années plus tard, il se servira de la structure du cube et de l’hypercube comme d’un système sur lequel appliquer des règles de composition et créer des constructions graphiques.

La différence entre programmer et exécuter : La séparation de l’artiste et de l’œuvre

La programmation n’est pas forcément qu’un concept inhérent à l’ordinateur ou à l’informatique en générale. Sol Lewitt, pionnier de l’art conceptuel et de l’art minimaliste, n’écrit pas de protocoles destinés à des machines. Pourtant, ses méthodes de création sont très proches de celle des artistes numériques, il utilise le langage naturel. Il a écrit le premier manifeste sur l’art conceptuel ou il affirme que « L’idée devient une machine qui fabrique de l’art»18. Sol Lewitt, à la manière d’un architecte, d’un compositeur ou d’un programmeur, réalise les plans de l’œuvre, en écrit le programme19. Le premier Wall Drawings a été conçu en 1968. Il poursuivra cette série jusqu’à sa mort, en 2007. Ce sont des dessins muraux, pour lesquels il met en place des séries d’instructions nécessaires à leur réalisation. Il joue sur les ambiguïtés de ses protocoles, en omettant volontairement des détails, pour pousser l’exécuteur à prendre des décisions personnelles. En couplant ces ambiguïtés avec les espaces qui ne sont jamais les mêmes, l’œuvre qui en résulte est toujours unique alors que la logique est la même. Après l’exposition, l’œuvre physique est effacée, jetée a la poubelle, puisque seul le concept est viable pour Sol LeWitt. C’est un certificat qui atteste de l’authenticité du dessin mural. Il sert aussi de protocole, ainsi que le diagram, une sorte de schéma d’instructions. Ses œuvres réinterrogent la place de l’artiste, qui n’est ni présent, ni exécuteur, seulement concepteur. Le concept de la main de l’artiste est remis en cause. L’impact majeur de Sol LeWitt sur l’art contemporain était son insistance sur le fait que le rôle de l’artiste était d’être un penseur au lieu d’être un maître de la création, pour lui le produit de l’esprit est plus important que l’œuvre. L’idée principale de Sol Lewitt était de créer des systèmes qui s’adaptent à tous types d’endroits, qui peuvent être transmis aux artistes, qui durent dans le temps et qui ne nécessitent pas sa présence20. Le diagramme et le certificat suffisent à conserver les plans de l’œuvre, ce qui permet qu’elle soit reconstruite.

Et c’est ce que fait le projet {Software} Structures créé en 2004 par Casey Reas, accompagné de Jared Tarbell, Robert Hodgin, et William Ngan. L’idée était de programmer quelques un des Wall Drawings dans l’espace de l’écran. Comme l’explique Casey Reas dans un écrit à propos de ce projet, Sol Lewitt a passé sa vie à penser et planifier ses dessins de manières statiques. Dans un logiciel, les structures peuvent devenir dynamiques. Il compare ainsi la différence entre les instructions que Sol Lewitt donnaient à des humains, et celle données à un ordinateur, qui n’est pas capable de prendre des décisions personnelles :

Dans un dessin mural, le plan peut déclarer «dessiner une ligne», mais dans une structure logicielle, le plan peut déclarer «dessiner une ligne se déplaçant de gauche à droite». Dans un mur, dessiner le plan peut déclarer «des éléments ne se touchant pas» mais dans une structure logicielle le plan peut déclarer «lorsque deux éléments se touchent, créez une nouvelle ligne»21

Lorsqu’il programme le Wall Drawings #85, il explique que son travail a été de traduire la description dans un format que l’ordinateur comprend. Pour ce faire, il a été obligé de prendre des décisions personnelles; comme lorsque le/les dessinateurs traçaient l’œuvre au mur. Cependant, quelques différences apparaissent, comme le fait qu’il n’a pas obtenu les imprécisions et l’irrégularité du tracé humain. Pour autant, le concept est toujours présent, seuls les outils ont changés. 22

Les langages de programmation, des systèmes pour construire

Un langage pédagogique: Logo

Après avoir étudié la philosophie et les mathématiques en Afrique du sud puis avoir fait de la recherche en mathématiques à Cambridge en Angleterre, Seymour Papert part à l’université de Genève ou il rencontre le philosophe et psychologue suisse Jean Piaget. De la Suisse, il se rend ensuite au États-Unis, dans le laboratoire MIT comme associé de recherche. Il travaille sur l’apprentissage. Il devient professeur de mathématiques appliqués, et peu de temps après devient le Co-directeur du laboratoire d’intelligence artificielle, fondé par le Professeur Marvin Minsky. Ils écrivent en 1969 le livre «Perceptron» qui marque un tournant dans le champ de l’intelligence artificielle. Seymour Papert était l’un des premiers a reconnaître le potentiel de l’ordinateur dans l’éducation23. Fin 1960, Seymour Papert imagine le langage Logo. Durant les année 1970, le langage se prépare et se conçoit dans les laboratoires du MIT. Le langage Logo à été conçu dans un but pédagogique. Il permet d’accéder plus facilement à la programmation, avec des instructions simples comme «Lever le crayon», «Tourner à gauche» etc. Les enfants utilisaient ce langage pour programmer les mouvements d’une tortue mécanique, aujourd’hui transposée dans l’espace d’un écran, au sein du logiciel GéoTortue24.

Dessiner des objets avec ce langage est alors plus intuitif et plus simple, mais demande quand même de structurer les différents éléments qui compose le dessin. Il est nécessaire de construire pas à pas le dessin, et de le concevoir comme un parcours. Pour ce faire, on peut passer par une construction de modules, ou il faut déconstruire le sujet.

En programmation, l’affichage du dessin est fragile et sa forme repose sur le respect des règles du code. Pierre Braun explique dans l’Ensauvagement graphique du code que «la moindre modification du code peut paraître comme un trait inessentiel, mais déjà il déjoue l’image et révèle les mouvement de la mémoire et de l’oubli qui rôde dans l’écriture graphique générative.»25

La structure avant la forme : le système TeX.

Donald E.Knuth est professeur en informatique, mais est aussi l’auteur de nombreux livres, ainsi que du système TeX, conçut pour la préparation de document et de MetaFont, conçut pour le design typographique. Donald E. Knuth affirme que l’art de la conception de caractères ne sera pas entièrement compris tant qu’il ne pourra pas être expliqué a un ordinateur26. Il dit aussi que «L’expérience nous a enseigné que nous comprenons beaucoup mieux un concept après avoir réussi à l’apprendre a autrui ; l’avènement des ordinateurs a confirmé l’axiome».

Dans tous ses systèmes, il n’y aucune interface graphique, pas de jolis boutons à cliquer. Il n’est pas possible de voir le résultat durant la saisie, mais celui-ci peut être prévisualisé après le traitement du fichier. L’idée est que l’auteur décrive avant tout la structure logique. Le point négatif de ce langage, d’après ses utilisateurs, est qu’il est plutôt fastidieux à apprendre. C’est un langage qui à été publié en 1982 (vieux à l’échelle du temps informatique, programmé en PASCAL), et aucun des langages modernes n’existaient. Il est aussi très bas niveau.

Pour écrire en langage TeX, on dispose de commandes qui sont appelées «primitives», et permettent de définir d’autres commandes, appelée «macros-instructions» ou «macros». Les utilisateurs utilisent ces macros pour la création de différentes extensions (appellées package) comme l’est par exemple le «Tikz», qui permet de faire des dessin vectoriels. Les macros peuvent aussi être précompilées pour être incorporées dans un exécutable appelé « format » qui embarque le langage TEX dans sa totalité ainsi que des macros précompilées, dont LaTex fait parti27.

MetaFont est le frère sombre mais indispensable de TEX, comme le décrit avec humour Christophe Grandsire, dans un tutoriel d’utilisation de MetaFont28. C’est un système qui permet de générer des typographies variables. En identifiant le squelette de la lettre, il y a une relation entre les points d’encrage et non plus une description par contours, ce qui permet de gérer les variations plus facilement. «La «métafonte» est une description schématique de la manière de dessiner une famille de font, et non pas simplement une description des tracés eux-mêmes. Ce sont deux manière de concevoir une digitalisation bien différente. Cette méthode se nomme la conception paramétrique. Le dessinateur d’une métafonte peut obtenir une infinité de résultats, en changeant les nombreux paramètres appliqués aux lettres.

Design by numbers, Processing

Design by numbers est créé en 1999, par John Maeda. C’est un langage de programmation qui à été conçu dans le but de proposer une approche simple aux artistes et designers graphiques. Avec très peu de lignes de code, il est possible d’obtenir des formes complexes, et voir en direct les actions du code dans une petite fenêtre à côté. DBN a été développé par le groupe Aesthetics and Computation au laboratoire MIT, et le projet s’est poursuivis à travers Processing, un autre langage de programmation mis en place par Ben Fry et Casea Reas.

Casey Reas et Benjamin Fry créent Processing en 2001, un langage de programmation open-source. Dans une idée de simplification et d’accessibilité, ils proposent a l’utilisateur de créer un « sketch ». L’idée est toujours de pouvoir esquisser rapidement un visuel, sans pour autant avoir besoin d’écrire des centaines de lignes de codes. Processing possède des nouveautés par rapport a DBN, comme l’utilisation du temps réel et du son. La syntaxe de processing est simple : size() / point() / line() / triangle() / rect() / ... Des formes de bases sont disponibles, la première étape consiste à choisir le format du dessin, puis ensuite de choisir les formes et de définir leur coordonnées dans le plan.L’idée du brouillon est très importante pour Casey Reas, puisqu’il conçoit la programmation de la même manière qu’un storyboard : décortiquer et réaliser chaque étapes du programmes indépendamment, puis les assembler.

Processing fait partie de la Processing Foundation, dont Ben Fry et Ca- sea Reas sont les co-fondateurs. Même si il a initialement été programmé en Java, il est aujourd’hui possible d’écrire en Processing dans plusieurs autres langages, tel que le propose P5.js, une "interprétation" de Processing dans les technologies du Web.

Les perspectives actuelles

Dessin en réseaux

Olivier Auber est un chercheur indépendant dans le domaine de l’expérimentation culturelle et des réseaux et artiste français. En 1986, Olivier Auber imagine le générateur poïétique, un projet qu’il décrit comme une sonde qui traverse l’espace des relations humaines29. Il a été ensuite développé en 1987. Il réalise cette œuvre participative dont il établi les règles. Les participants connectés interagissent en temps réel en dessinant dans une grille de 20 x 20 pixels. Aussi, le but n’est pas de gagner ou de perdre, mais de permettre à un ensemble de personnes de dessiner dans un même espace. La composition finale est le résultat du processus de communication des participants. Pour dessiner, il faut cliquer avec sa souris sur les pixels qui forment la matrice. Aujourd’hui, on passe par un sélectionneur de couleur RVB et non plus par quelques couleurs prédéfinies. Les matrices des participants se juxtaposent dans cette même page web, les uns a la suite des autres, le premier participant connecté se retrouvant au centre et les autres s’enroulant dans un mouvement de spirale. Les expériences réalisées sont comme un miroir, un reflet de la réalité, où l’on observe tente de s’approprier son espace tout en observant celui des autres. L’image globale est chaotique au départ et aucun lien ne relie les espaces. Puis, au fil du temps, chacun tente de s’exprimer et de communiquer par le biais du dessin avec son voisin, de s’organiser avec et dans son environnement. Le dessin devient outil de communication, il est un langage. Il mute malgré un espace restreint, se transforme au gré des interactions collective des joueurs. Une matrice est un monde, une matrice s’efface, se retrace, mute ou disparaît.

Le nom du jeu est emprunté de la poïétique, et tire ses origines étymologiques grecques de poièsis qui signifie au sens premier «production» et «création». L’autopoièse, qui en grec est la combinaison d’auto, «soi-même» et de poièsis, est un modèle d’organisation de réseau inventé par Humberto Maturana et Francisco Varela en 197230. Le concept d’autopoièse signifie la propriété d’un système de se produire lui-même, en permanence et en interaction avec son environnement, c’est un concept qui à largement inspiré de nombreux artistes et scientifiques, le jeu de la vie de John Conway en est aussi un exemple. Conçu en 1970, c’est une de ses œuvres les plus connues. C’est un jeu autonome, son évolution n’étant déterminée uniquement par son état initial. Pour interagir avec le jeu de la vie, il faut choisir une configuration initiale et observer son évolution.

Les règles du jeu de la vie, comme indiquée dans le WikiLife, un Wikipédia conçu entièrement pour le jeu, sont au nombre de quatres :

1-Toute cellule vivante avec moins de deux voisins vivants meurt (appelée sous-population ou exposition [1]). 2-Toute cellule vivante avec plus de trois voisins vivants meurt (appelée surpopulation ou surpeuplement). 3-Toute cellule vivante avec deux ou trois voisins vivants vit, inchangée, pour la génération suivante. 4-Toute cellule morte avec exactement trois voisins vivants prendra vie.

Ces quatres règles suffisent à produire des résultats surprenant, et les nombreuses personnes ayant joué au jeu ont participé à la collecte de nouvelles formes, dont beaucoup portent des noms, tel que les «oscillateurs», qui sont des cellules qui alternent entres deux positions. Un oscillateur est un modèle qui se répète lui même. Le premier oscillateur trouvé est le «Blinker», par John Conway lui-même en 1970. C’est le plus commun et le plus petit des oscillateurs. Il existe de nombreux autres modèles, parmis ces autres modèles, nous pouvons citer les structures stables appelées «encore vivant», les vaisseaux qui retrouvent leur états initiaux tout en se déplaçant, les canons qui fabriquent des vaisseaux au bout d’un certain nombre d’étapes etc.

La page Wiki contient 1345 modèle (incluant 538 oscillateurs, 135 vaisseaux et 322 encore vivant)31. Ici, ce sont les calculs de l’algorithme qui provoquent des formes animées, et la masse d’utilisateurs qui ont permis de collecter ce catalogue de dessins.

Contributions massives

Tant que des nouvelles personnes découvriront et contribueront au projet, ce portait vivant continuera de se transformer et de grandir, afin que ça ne soit virtuellement jamais la même vidéo deux fois de suite. Chris Milk, créateur du Johnny Cash Project.32

C’est pour rendre hommage à Johnny Cash qu’à été réalisé le Johnny Cash Projet33 en 2010. Le but est que chaque participant redessine une image du clip, pour l’assembler avec celle des autres participants afin de recréer un clip entièrement graphique. Trois images aléatoires tirées du clip «Ain’t No Grave» sont donc mises à la disposition des participants qui désirent contribuer à cette commémoration virtuelle. Et des participants au projet, il y en a énormément, sinon le projet n’aurait que peu de sens. Chaque dessin est stocké dans une base de donnée, et participe à la création de l’œuvre. Tout les dessins réunis forment un gigantesque portrait virtuel de l’artiste.

Chris Milk a conceptualisé ce projet avec Aaron Koblin, le créateur de The Sheep Market34 un autre projet qui mixe dessin et base de donnée. Dans The Sheep Market Aaron Koblin demande à des employés d’Amazon Mechanical Turk (marché de crowsourcing), de dessiner un mouton tourné vers la droite en échange de 0,02 dollars. Il récolte 10,000 participations, qu’il regroupe dans un site web, qui fait office de boutique ou l’on peut acheter les moutons. C’est un projet qui questionne sur le marketing collaboratif35.

Comment faire deviner un dessin à une machine?

Le groupe Google Creative Lab36, met en place en mai 2017 le jeu Quick, Draw!37. Il s’agit d’un réseau de neurones, un domaine du machine learning. C’est un type de réseau qui s’inspire du fonctionnement des neurones biologique, et qui prend la forme d’un algorithme. Disponible en open source, le jeu permet aux joueurs de soumettre un objet en le dessinant, et l’ordinateur le reconnait dans les 20 secondes. Les joueurs du jeu Quick, Draw! ont participé à la collection de données open-source de 50 millions de dessins classés dans 345 catégories. Les dessins ont été capturés sous forme de vecteurs horodatés, étiquetés avec des métadonnées38. Parmi ces métadonnées, il y a un identifiant singulier, l’objet que le joueur a été invité à dessiner, s'il a été ou non reconnu, dans quel pays il se trouvait et enfin un tableau contenant les coordonnées des points qui composent le dessin. Les règles du jeu sont simple, mais il est étonnant de constater que l’algorithme reconnaît très rapidement l’objet lorsqu’il est conforme à l’idée que l’on s’en fait. Un dessin un peu trop artistique (qui ne pourra pas être trop détaillé au vu du temps imparti) ou trop différent des critères stéréotypés de l’image populaire de l’objet ne sera pas reconnu.

Le projet Sketch-RNN39 est aussi un projet de recherche open source, qui se base sur les données récoltées avec Quick, Draw!40 . Développé par David Ha, Jonas Jongejan, Ian Johnson en juin 2017, il est aussi basé sur le machine-learning et explore le rôle de l’apprentissage automatique en tant qu’outil dans le processus créatif. C’est un outil prédictif, qui n’a besoin de l’intervention humaine que pour choisir la catégorie et effectuer le premier trait. Il continue ensuite le dessin dans le but de représenter l’objet défini par la catégorie. L’algorithme devient capable de continuer une esquisse ou même de prévoir les tracés de différents objets. Les œuvres qui en résultent sont potentiellement infinies, et même non finies.

Deux journalistes, Thu-Huong Ha et Nikhil Sonnad41, font un constat intéressant, à partir de la base de donnée de Quick,Draw!42, lorqu’ils analysent la manière dont nous construisons un cercle. Nous avons des habitudes, des automatismes et des standards lorsque nous dessinons.Une forme basique comme le cercle possède déjà deux méthodes d’exécutions (sens horaire ou anti-horaire). Les joueurs américains, comme 90% des français, tendent à dessiner leurs cercles dans le sens anti-horaire. Au Japon, à l’inverse, les joueurs ont tendance à dessiner un cercle dans le sens horaire. Les journalistes en parviennent à la conclusion que l’apprentissage de l’écriture aurait une influence dans ce processus, la plupart des glyphes japonais étant réalisés dans le sens horaire. En plus de son sens, le tracé du cercle peut aussi être initié à de nombreux endroits.

Les nouveaux outils

L’ordinateur, bien sûr, n’est pas juste un outils de plus, pas plus qu’il n’est simplement la combinaison d’outils divers, sorte de couteau suisse numérique. L’ordinateur est plutôt un méta-outil : il produit d’autres outils.43

Les capteurs et leur utilisation

Le studio Moniker44 basé à Amsterdam et fondé en 2012 par Luna Maurer, Roel Wouters & Jonathan Puckey “explorent les effets sociaux de la technologie – où comment nous utilisons la technologie et comment elle influence nos vies quotidiennes”45. De manière souvent ludique, ils offrent aussi souvent le choix d’intervenir dans leurs dispositifs, comme le propose l’un de leur nombreux projet collaboratif, Painted Earth46. Il a été lancé en ligne après l’ouverture du Galileo Reference Center, nommé ainsi par sa relation au satellite Galileo. Ce réseau est composé de 24 satellites qui transmettent l’heure en temps réel à la surface de la Terre et le Centre de référence Galileo surveille ce processus, ce qui est un travail extrêmement important, comme le souligne Moniker47. Les règles sont simples, il suffit de se connecter sur le site avec son smartphone, de «remplir» une couleur en appuyant dessus et de se déplacer. Après activation de la géolocalisation du téléphone, des «gouttes d’encre» s’impriment sur la page, laissant apercevoir à tous le trajet que l’on effectue; visible pour toujours sur le site. C’est l’allure de l’utilisateur qui influence l’intensité des gouttes d’encre. Au fur et à mesure du trajet, l’encre fictive se vide. Il y a au maximum 50 personnes qui peuvent se connecter dans une seule session. Une session équivaut à une ville. Un tel projet d’une telle ambition que la création d’un tableau mondial, ne peut avoir lieu qu’avec l’arrivée de ces technologies récentes comme la géolocalisation. Le dessin se trace ici après une petite marche, ou une course. Il représente les déplacements dans la ville, qui ne sont jamais effacés. L’idée principale était d’établir une collaboration entre les utilisateurs qui se connecte simultanément au site, et le GPS est là pour nous le montrer. Dans .walk de Wilfried Hou Je Bek, écrivain et psycho-géographe, il est question de déplacement, mais celui-ci est soumis à des règles strictes. Il qualifie ce type de promenade par «psychogeonamics» dans le site socialfiction.org qui n’est plus accessible aujourd’hui48. Avec quelques indications simples telles que ce qu’il nomme le Classic Walk : «première rue à gauche», «deuxième rue à droite», «deuxième rue a gauche», «répéter», Wilfried Hou Je Bek propose d’arpenter les villes en suivant un programme.

Critique des logiciels contemporains

Comme l’explique David-Olivier Lartigaud dans Retour au code49, les années 1990 et les nouveaux langages de haut niveaux comme le HTML et le Javascript ont fait émerger chez les utilisateurs du numérique une opposition face aux logiciels pré-programmés et une envie de redevenir «maîtres» de la machine en développant intégralement leurs idées. Il devient alors possible de développer ses propres outils pour dessiner, comme le propose Raphaël Bastide avec «Each Page A Function». Dans une publication qui joint dessin et programmation, il présente 19 dessins numériques réalisés avec 19 outils programmés spécialement pour le projet. Chaque programme permet de reconsidérer le dessin en y ajoutant des contraintes, en l’augmentant ou en le confrontant à des comportements temporels, spatiaux où formels singuliers50. Partant d’une idée simple comme augmenter la taille du pinceau, il construit son propre programme, dont il maîtrise tout les codes. Dans l’article Ce que la programmation fait à l’art, Douglas Edric Stanley51 explique que c’est la programmation informatique qui fait que l’œuvre interactive est interactive, et que qui d’autre, à part l’artiste lui-même ne serait le mieux placé pour concevoir le programme qui définit l’œuvre de manière si intime?52

Pour programmer ces fonctions à dessin, Raphaël Bastide utilise la librairie Javascript Paper.Js53, développée par Jürg Lehni et Jonathan Puckey. Jürg Lehni travaille en collaboration dans toutes les disciplines, traitant des nuances de la technologie, des outils et de la condition humaine54. Il questionne les programmes d’aujourd’hui qui opacifient leurs systèmes, et les standards que nous suivons et ne questionnons même plus. Il l’explique dans Typeface as program55, lorsqu’il revient sur la révolution technologique de ce dernier siècle. Il soulève l’importance du rôle du logiciel et le fait que l’ordinateur soit accepté comme machine simulant les outils ou les processus des autres machines, et que la question de ce que le programme peut où ne peut pas faire est peu présente. En 2001, il conçoit Scriptographer, un plugin open-source pour Adobe Illustrator qui est en vérité l’ancêtre de Paper.Js. Ce plugin encourageait les utilisateurs d’illustrator à mêler programmation et outils préexistants en étendant les fonctionnalité d’Illustrator avec l’usage de Javascript.

Conclusion

Il y a autant de manières d’aborder le dessin qu’il y a d’êtres humains, tout comme il y a mille manières et milles endroits pour dessiner.

La plasticité qu’offre l’outil numérique permet de générer un dessin par de nombreux moyens. La pratique de la programmation dans un contexte artistique est une manière d’explorer et d’appréhender autrement les pratiques créatives que dans les environnements logiciels les plus populaires, qui ne doivent pas demeurer les seuls détenteurs du pouvoir créatif. L’utilisation d’un ou de plusieurs langages de programmation, qu’ils soient utilisés pour concevoir des formes ou des outils, est toujours un moyen d’expression à explorer et dont les possibilités sont infinies.

Des expositions comme CODeDOC56, qui mettent en avant la sous-face des œuvres, le code source, ainsi que les pratiques conceptuelles du code, démontrent bien que la programmation peut prendre une infinité de formes selon les interprétations de chacun, laissant apparaître le style du programmeur, comme on reconnaîtrait le style du dessinateur.

Afficher et montrer le code est déjà un bon moyen de le démystifier.

La programmation n’est pas réservée aux scientifiques, aux mathématiciens ou aux ingénieurs, comme le prouvent ces pionniers des arts algorithmiques, qui se retrouvent bien souvent à la frontière entre arts et sciences. D’autant plus qu’aujourd’hui, les tutoriels disponibles en ligne sont une aide précieuse pour apprendre et comprendre un nouveau langage.

Comme de nombreuses personnes, artistes, designers, chercheurs, étudiants le montrent déjà, la pratique du re-coding, en plus d’être instructive, est un peu une manière de vaincre l’obsolescence en redonnant vie à des projets dont on aurait aujourd’hui que des images et des codes dans des langages de programmations qui nous sont assez éloignés. Seulement, pour étudier les structures et les méthodes de génération des projets numériques, il faut pouvoir accéder à des archives.


BIBLIOGRAPHIE

• Casey Reas, Ben Fry, John Maeda - Processing_ A Programming Handbook for Visual Designers and Artists, 2007

• Olivier Agid, Roseline Bacou, Chrystèle Burgard, Martine Dancer, Philipe Piguet, Trait hors des chemins, musée de Valence, 1995.

• Adrien Frutiger, L’homme et ses signes, traduction Danielle Perret, Atelier Perrousseaux, 2004

• David-Olivier Lartigaud, Art++, Collection: Script, Orléans, France, 2011.

• L’ensauvagement graphique du code, Pierre Braun

• Processing_ A Programming Handbook for Visual Designers and Artists, Maeda/Reas/Fry

• Sol LeWitt: A Life of Ideas, Larry Bloom, 2019

ICONOGRAPHIE

et LISP 1.5, F. P. Mathur, 1972, p.4 https://core.ac.uk/download/pdf/80644799.pdf


  1. HALLÉ Francis, extrait de l’introduction de L’Atlas de botanique poétique, éd. Flammarion, Paris, 2016 

  2. BERGER John, « Il y a une minute du monde qui passe » dans L’air des choses, F. Maspero, Paris, 1976 

  3. Un ruban perforé est une forme de stockage mécanique. L’absence ou la présence d’un trou à un endroit précis représente la donnée en binaire.  

  4. Une présentation de Georg Nees plus précise est disponible sur «compArt: Center of Excellence Digital Art», un référentiel sur la première phase de l’art numérique. C’est un projet de l’Université de Brême, en Allemagne, dont Frieder Nake est le fondateur. http://dada.compart-bremen.de/item/agent/15 

  5. Mémorandum technique sur les langages FORTRAN, ALGOL, COBOL, 

  6. Pattern by 7090, A.Michael Noll, Bell Telephone Laboratories Memorandum http://dada.compart-bremen.de/docUploads/BTL_1962_Memo.pdf 

  7. Interview de Frieder Nake par LinesFiction https://linesfiction.de/lf/index.php/roots-networks/frieder-nake 

  8. Automat und Mensch, A History of AI and Generative Art, 29 mai - 15 octobre 2019, https://www.katevassgalerie.com/automat-und-mensch-a-history-of-ai-and-generative-art 

  9. Do calculating machines like drawing? And if so, why? Considerations from media archaeology, Frieder Nake, https://codesync.global/media/do-calculating-machines-like-drawing-and-if-so-why-considerations-from-media-archaeology/ 

  10. David-Olivier Lartigaud, «Retour au code», Art++, David-Olivier Lartigaud, Collection Script, 2011 

  11. Pierre Braun est le co-fondateur du Centre du Recherche Expérimentale et Informatique des Arts Visuels -CREIAV- avec François Molnar. Il entame en 2011 le carnet de recherche Computer Drawing ou il propose plusieurs travaux de recherches autour de formes historiques et pionnières du Computer Art. Son site est accessible ici : https://computerdrawing.hypotheses.org/ 

  12. Les journaux intimes de Vera Molnàr sont des carnets de recherches qu’elle réalise entre 1973 et 2003 en parallèle de ses programmes. Le CD-ROM fait partie de la Collection Présent Composé-Édition de création et de recherche du laboratoire « L’œuvre et l’image- dirigée par Pierre Braun et associée au programme de recherche » L’œuvre et l’imaginaire à l’ère du numérique “. Équipe d’accueil 3208 - Rennes 2 -] Cd rom Véra Molnar. Journaux intimes 1976-2003, Université Rennes 2, Éditions Présent composé, n°7, 2009. 

  13. Vera Molnar: Enquête sur le code et l’archive, Pierre Braun, HAL 2020, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02505874/document 

  14. L’art et l’ordinateur, Vera Molnàr, Avril 1982 http://www.veramolnar.com/blog/wp-content/uploads/VM1982_artordi.pdf 

  15. Interview et traduction par ANGERIA RIGAMONTI di CUTÒ, filmé par MARTIN KENNEDY, Juin 2018, Studio International Foundation Copyright © https://www.studiointernational.com/index.php/vera-molnar-interview-computer-art-paris-mayor-gallery 

  16. http://emohr.com/mohr_geo_artif.html 

  17. http://emohr.com/sc69-73/vfile_random69.html 

  18. Sol LeWitt, Paragraphs on Conceptual Art, Juin 1967 https://www.corner-college.com/udb/cproVozeFxParagraphs_on_Conceptual_Art._Sol_leWitt.pdf 

  19. BLOOM Larry, Sol LeWitt : A Life of Idea, p.13, Wesleyan university press. 

  20. Conversation entre des artistes qui ont exécutés a ces oeuvres, https://youtu.be/UNbOVR4kw4U 

  21. {Software} Structures, un texte sur l’art logiciel par Casey Reas, https://artport.whitney.org/commissions/softwarestructures2016/text.html#process 

  22. Idem. 

  23. Article sur Seymour Paper par le MIT Media Lab, publié en Aout 2016, https://news.mit.edu/2016/seymour-papert-pioneer-of-constructionist-learning-dies-0801 

  24. GéoTortue est un logiciel développé au sein de l’IREM Paris-Nord. 

  25. Pierre Braun, extrait de l’introduction de l’Ensauvagement graphique du code, publié par Présent Composé, Les Presses Du Réel, novembre 2019 

  26. KNUTH Donald, Le concept de métafonte [article], , Traducteur : M.R. Delorme,1983, p.42 https://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_1983_num_55_1_1549 

  27. Tellechea Christian, Apprendre à programmer en TeX, Septembre 2014 https://www.ctan.org/tex-archive/info/apprendre-a-programmer-en-tex 

  28. Grandsire Christophe, The MetaFont tutorial, ,Version 0.33, 30 décembre 2004, http://metafont.tutorial.free.fr/downloads/mftut.pdf 

  29. AUBER Olivier, Générateur Poïetique, Global Brain Institute seminar 2012: « The poietic generator: a net experience for cognitive research » http://poietic-generator.net/?page_id=31 

  30. KREMER-MARIETTI Angèle, DOGMA, revue de philosophie et de sciences humaines, Réflexions sur l’autopoièse, http://www.dogma.lu/pdf/AKM-Autopoiese.pdf 

  31. Le wiki du jeu de la vie : https://conwaylife.com/wiki/Main_Page 

  32. Ce projet de portrait vivant, selon les mots de Chris Milk, est aujourd’hui inaccessible puisqu’il nécessite Flash Player, qui est devenu obsolète depuis le 12 Janvier 2021 http://www.thejohnnycashproject.com/ 

  33. Idem. 

  34. KOBLIN Aaron, The Sheep Market, 2006 http://tobib.spline.de/sheep/ 

  35. A collaborative survey of digital art made since 2000, Article écrit par Cris, http://www.digiart21.org/art/the-johnny-cash-project 

  36. Jonas Jongejan, Henry Rowley, Takashi Kawashima, Jongmin Kim, Nick Fox-Gieg, au Google Creative Lab et Data Arts Team. 

  37. Quick, Draw!, 2017, https://quickdraw.withgoogle.com/ 

  38. Documentation sur le GitHub du Google Creative Lab https://github.com/googlecreativelab/quickdraw-dataset/blob/master/README.md 

  39. Sketch-RNN, https://magenta.tensorflow.org/assets/sketch_rnn_demo/index.html 

  40. Quick, Draw!, 2017, Ibid. 

  41. How do you draw a circle? We analyzed 100,000 drawings to show how culture shapes our instincts, Thu-Huong Ha & Nikhil Sonnad juin 2017, Revue Quartz. https://qz.com/994486/the-way-you-draw-circles-says-a-lot-about-you/ 

  42. Quick, Draw!, Jeu de pictionnary contre l’ordinateur, 2017, https://quickdraw.withgoogle.com/ 

  43. « Outil (ou le designer graphique face à la post-production) », Andrew Blauvelt, Azimuts, nº 47, Travail, 2017, esadse/Cité du Design, p. 88–103. 

  44. Studio Moniker, https://studiomoniker.com/ 

  45. Studio Moniker on how it’s getting harder for small studios to compete with big tech, Ruby Boddington, 06 mai 2020, https://www.itsnicethat.com/features/studio-moniker-digital-060520 

  46. Painted Earth, 2018, https://painted.earth/ 

  47. Studio Moniker’s collaborative painting tool turns the Earth’s surface into a giant canvas, Ruby Boddington, 24 mai 2018,https://www.itsnicethat.com/articles/studios-moniker-painted-earth-digital-240518 

  48. Dérive programmées, [promenade assistées par ordinateur] Karen O’Rourke,Art++, David-Olivier Lartigaud, Collection Script, 2011 

  49. Dans «Retour au code» écrit par David-Olivier Lartigaud, Art++, David-Olivier Lartigaud, Collection Script, 2011 

  50. https://raphaelbastide.com/raphaelbastide-fr.pdf 

  51. «Douglas Edric Stanley est un artiste d’origine américaine, travaille principalement dans le domaine des nouveaux médias et plus spécifiquement sur les rapports entre algorithme et esthétique. À la fois artiste, designer, curateur, développeur, et théoricien, il s’intéresse à la manière dont différentes disciplines sont transformées par l’algorithmisation progressive du monde.» https://www.hesge.ch/head/annuaire/douglas-edric-stanley 

  52. «Ce que la programmation fait à l’art», Regards croisés avec Antoine Schmitt, Grégory Chatonsky, Samuel Bianchini, Douglas Edric Stanley écrit par Jean-Paul Fourmentraux, Art++, David-Olivier Lartigaud, Collection Scrit, 2011 

  53. http://paperjs.org/ 

  54. http://juerglehni.com/information 

  55. Jürg Lehni, Typeface as programs, 2009, ECAL et JRP 

  56. CODeDOC, 2002 

Introduction

Qu’est ce que dessiner dans le contexte de la programmation?

Selon Francis Hallé1, botaniste, biologiste et dendrologue, un dessin est un tracé et il le décrit comme étant un acte sans intermédiaire, du cerveau jusqu’à la main du dessinateur. Le dessin serait pour lui une œuvre de la pensée humaine où s’impose un dialogue avec le sujet. Si le dessin reste bien une œuvre de la pensée humaine lorsqu’il est programmé, il est pour autant bien loin d’être sans intermédiaires. Il peut parfois même passer par de multiples étapes, dont la première est toujours l’une des plus importantes: la description. Elle doit être explicite et précise sur le sujet destiné à être représenté. Elle oblige son auteur à bien comprendre et analyser son sujet, afin qu’il puisse par la suite l’expliquer à d’autres, ou pour l’encoder dans une machine.

John Berger considère dans Il y'a une minute du monde qui passe2 que l’image dessinée contient l’expérience du regard:

Une photographie est la preuve d’une rencontre entre l’événement et le photographe. Un dessin met lentement en question l’apparence d’un événement et, ce faisant, il nous rappelle que les apparences sont toujours une construction avec une histoire.

Que devient alors l’expérience du regard lorsqu’elle passe par une description stricte et précise comme un langage de programmation, et/ou lorsqu’elle est interprétée et représentée par un tiers? Que devient le dessin lorsque nous ne possédons plus que le texte qui le décrit? Le code est-il une sorte de plan de construction du dessin?

Décrire un sujet dans un langage de programmation, c’est décrire strictement ses coordonnées dans l’espace ou il se trouve, mais aussi ses couleurs et tous les protocoles nécessaires à sa réalisation ( Commencer par le toit d’une maison, par les fondations, etc.) . Toutes ces questions dont la résolution tend souvent à être quasi-automatique lors de l’exécution manuelle d’un dessin prennent un autre sens en le programmant. C’est en nous mettant face à cette obligation véritable de construire que la programmation nous propose de réinterroger les formes en les décomposant, et de déconstruire les automatismes.

Les débuts de l’art par ordinateur, de nouveaux processus à explorer avec de nouveaux outils

Le développement de la pensée algorithmique à travers les pionniers des arts numérique

L’exposition «Generative Computer Grafik» de Georg Nees s’est déroulée le 5 février 1965 à la Studiengalerie of Technische Hochschule Stuttgart, (maintenant Université de Stuttgart fondée en 1959 par Max Bense, dont Georg Nees était l’étudiant ). C’était la première exposition à présenter des dessins générés par l’exécution d’algorithmes sur un ordinateur numérique sous le contrôle d’un programme. Les dessins apparaissent sur un ruban de papier perforé3, avant d’être générés physiquement par une machine a dessin, le plotter ZUSE Graphomat Z64, une machine que Konrad Zuse avait initialement conçu pour la production de cartes et d’enregistrements fonciers. Plus jeune, Georg Nees étudie la physique et les mathématiques. Il travaille ensuite pour Siemens en tant que développeur de logiciels, et c’est là qu’il découvre le plotter, qu’il fait fonctionner avec le langage de programmation ALGOL, conçu spécialement pour le ZUSE Graphomat; il commence alors ses premiers tests de dessin généré par ordinateur. Les visuels qu’il produit ont toujours une relation entre ordre et désordre, qu’il réalise avec des fonctions aux paramètres aléatoires dans ses compositions4. Le langage ALGOL, comme le FORTRAN, est orienté vers le calcul numérique5. Deux mois après l’exposition de Georg Nees, se déroule la première exposition publique de A. Michael Noll du 6 en 1965 à la Howard Wise Gallery de New York. Avant de devenir professeur émérite de communication à l’école Anneberg, A. Michael Noll est chercheur dans les laboratoires Bell, qui mettent à sa disposition l’IBM 7090. Huit dessins qu’il a créé sont documentés dans un mémorandum technique nommé Patterns by 7090, écrit le 28 août 1962 par A.Michael Noll lui-même. Il indique que la nomination Patterns est utilisé dans le but d’éviter un débat autour de la machine en tant qu’artiste. Les dessins obtenus sont essentiellement des compositions faites de segments aux longueurs variées tracés de part et d’autre de la feuille, sans que le crayon ne se relève. Pour ce faire, il détermine d’abord un tableau de points, qui se compose de paires de coordonnées sur les axes x et y, listés dans l’ordre dans lequel ils doivent être tracés. Puis, un sous-programme qu’il nomme White Noise Generator, calcule un autre tableau de nombres aléatoires. Si le point est hors de la limite du traceur, celui-ci est recalculé jusqu’à ce qu’il tombe dans la zone6.

Frieder Nake expose peu de temps après ses dessins, une première fois à la Galerie Wendelin Niedlich à Stuttgart 1965, accompagné de Georg Nees. Il produit ses premiers travaux en 1963, qui ont fortement été influencés par L’esthétique de l’information de Max Bense, une théorie esthétique mathématiquement rigoureuse, elle même influencée par la théorie de l’information de Claude Shannon.

Jusqu’en 1969, Frieder Nake continuera de s’intéresser, de travailler et de produire avec de nombreux programmes complexes.

Il est à la tête du «compArt: Center of Excellence Digital Art», un projet de recherche dédié à la recherche et au développement dans les domaines de l’art, de l’informatique, du design et de l’enseignement qu’il démarre en 1999. The compArt database Digital Art (daDA) est une base de données qui recense de nombreux travaux liés à l’art numérique.

Frieder Nake explique dans une interview en 2005, que l’émergence de l’algorithme est un élément central à notre compréhension de l’art.

Quand au milieu des années 1960, ces premiers dessins sont apparus sur les murs de certaines galeries, et ensuite en 1968, dans deux salons remarquables qui sont respectivement à Londres (Cybernetic Serendipity: The Computer and the Arts2) et à Zagreb (Tendencies 4: Computers and Visual Research), J’ai pensé—et étais en fait convaincu—que quelque chose de drôle, de remarquable se passait, mais destiné à ne rester qu'un événement marginal7.

Loin d’être marginal, le dessin algorithmique est toujours observé et étudié avec grand intérêt, comme le montre l’exposition récente Automat und Mensch dans la galerie Kate Vass à Zurich, ou Frieder Nake est exposé au côté de Georg Nees, ainsi que de nombreux autres artistes. Cette exposition s’inscrit dans la nouvelle tendance actuelle autour de l’intelligence artificielle, et permet de revenir aux racines de ce mouvement, tout en cherchant à mettre en valeur ces pionniers de l’art génératif algorithmique. L’exposition juxtapose des œuvres récentes et anciennes, pour faire ressortir leurs traits communs8.

Pour revenir au dessin algorithmique, Frieder Nake le décrit comme une image algorithmique qui existe en double : la surface et la sous-face. Il insiste sur l’importance de penser à l’image plutôt que de la faire, puisque le processus de fabrication est attribué a l’ordinateur. La pensée est plus importante puisque c’est elle qui concevra l’algorithme, qui lui ensuite calculera toutes les possibilités.

Comme il l’explique dans sa conférence « Calculating machines like drawing? And if so, why?»9, la question de l’ordinateur comme machine artistique était, en 1965, au cœur des recherches du mouvement [New] Tendencies à Zagreb au sein du collectif « The algorist ». Comment était-il possible qu’une machine puisse dessiner, dans les années 1960 alors que peu de monde avait déjà vu ou expérimenté l’ordinateur, et qu’il n’y avait toujours pas d’écran de contrôle. Lorsque Georg Nees et Max Bense prennent la parole à l’ouverture du «Generative Computer Graphik», il expliquent qu’il est possible de faire dessiner un ordinateur. Le public est surpris et l’un des professeurs d’art s’adresse a Georg Nees en lui demandant si il peut faire dessiner l’ordinateur comme il le ferait lui-même, ce à quoi répond Georg Nees par une affirmation : «Oui, bien sûr que je peux, si tu me dis comment tu fais! ». Ce qu’il veut dire par là, c’est qu’une machine qui dessine n’est pas magique, mais simplement implémentée avec des données qui décrivent explicitement le dessin. Seulement ce qui est explicite peut devenir un programme, et il doit être explicite dans une forme compréhensible par la machine.

Schématiser, corriger, coder : les allers-retours de Vera Molnàr

Comme l’explique David-Olivier Lartigaud dans Art++, pour faire dessiner une machine dans les années 1960, il faut tout d’abord en écrire le programme. À ce moment-là les logiciels de graphisme ou les langages de programmation «destinés aux artistes» n’existaient pas encore10. C’est une pratique qui est loin d’être étrangère à Vera Molnàr, pionnière des arts assistés par ordinateurs avec ses œuvres basées sur des systèmes. Elle étudie aux Beaux-arts de Budapest entre 1942 et 1947 et s’intéresse à la peinture abstraite, géométriquement et systématiquement déterminée. Les éléments les plus récurrents dans ses travaux sont le carré et le rectangle, même si elle a une production très vaste et diversifiée.

Elle imagine des systèmes pour composer avec les formes géométriques et recherche les variations qu’elle peut provoquer dans les structures des formes.

Dans une recherche que propose Pierre Braun11 sur les journaux intimes de l’artiste, regroupé au sein d’une édition CD-ROM12, il explique que le dessin est édité à plusieurs niveaux, et qu’une forme de transcodage apparaît : «Les dessins que l’artiste esquisse ou appose sommairement dans ses journaux sont littéralement édités comme les lignes d’instructions d’un programme»13. D’abord, l’artiste écrit un programme qui donnera une première production visuelle. Elle imprime les formes qu’elle obtient et les colle dans ses journaux. Il lui arrive de les redessiner à la main, d’écrire les variables qui provoqueront les modifications dans la composition. Le dessin passe par plusieurs phases de conceptualisation et de conception.

Les dessins dans ses journaux sont aussi en quelque sorte un storyboard, ou plusieurs schémas sont dessinés et forment la construction du dessin final. On observe chaque étape de la construction du dessin, avec ses interrogations, ses doutes, ses modifications.

Elle esquisse aussi probablement pour se rendre compte de ces étapes qu’elle va devoir mettre en place pour aboutir au résultat. Elle se sert du dessin pour projeter ses idées et éclaircir les différentes plans nécessaires à la création.

Lorsqu’elle parle de l’ordinateur, Vera Molnàr déclare que l’apparition du moniteur a changé sa pratique et a même été une révélation pour elle. Elle y voyait une manière de dialoguer instantanément avec la machine. Pour elle, l’ordinateur, s'il est employé comme simple outil, ne peut aider en rien, mais il est quand même source de surprise14. Lors de la création d’un programme, quelques variations dans les nombres peuvent créer un résultat visuel très inattendu. On peut aussi choisir de développer les règles à l’avance ou de les modifier au fur et a mesure du travail. Comme elle l’explique, le peintre aussi le fait avec son pinceau, mais le programme lui, peut parcourir des millions de possibilités en quelques instants. La réalisation des idées se fait plus rapidement, et on peut tester plus vite si cela marche ou non15.

Un seul programme pour une infinité de résultats

Manfred Mohr est aussi un des grands noms de l’art algorithmique.

Il débute sa carrière en tant que musicien de jazz, et la musique à fait partie d’une de ses grandes inspirations dans la conception de formes et de systèmes.

Artificiata I présente les derniers dessins de Manfred Mohr en 1968-1969, avant qu’il ne commence à utiliser l’ordinateur pour dessiner. Il imagine cette œuvre comme une sonate visuelle artificielle, et pensait écrire Artificiata II en utilisant l’ordinateur, ce qu’il ne fera finalement qu’en 201216.

Le 11 mai 1971 s’ouvre l’exposition Computer Graphics - Une Esthétique Programmée, avec des œuvres entièrement calculées par ordinateur numérique et dessinées par un traceur. Il écrit aussi ses programmes en FORTRAN IV. Son site internet http://www.emohr.com/ est une grande galerie qui contient de nombreuses informations sur son travail, et son parcours sur l’écriture d’algorithmes. Pour chaque projet, il y a une description du programme précise.

Manfred Mohr à commencé à réaliser des dessins algorithmiques sans même posséder de plotter. C’est le cas de Computer Generated Random Number Collage, qu’il décrit comme un collage musical visuel, évoquant le rythme et les fréquences. «J’ai réalisé ces dessins en collant des lignes rectangulaires blanches sur du papier noir en fonction des nombres aléatoires générés.»17

Autour d’une ligne centrale, des nombres aléatoires déterminent la position, la hauteur, la largeur et l’existence des lignes blanches rectangulaires. Il s’agit d’un collage musical visuel, évoquant le rythme et les fréquences.

Dans une des ses œuvres nommée P-18, «Random walk», il explique qu’il définit le cadre et la manière dont le dessin est tracé en choisissant des éléments auxquels il attribue des paramètres variables. L’algorithme sélectionne ensuite les éléments parmi les contraintes données.

Les éléments sont des lignes horizontales, verticales, à 45 degrés, des ondes carrées, des zig-zags et ont des probabilités pour la largeur et la longueur des lignes. Dans une zone définie, l’algorithme choisit dans l’alphabet pour créer une marche aléatoire. Les dessins utilisant cet algorithme sont numérotés P-16, P-17 et P-18.

Suite à la découverte des multiples résultats du programme P-18, Manfred Mohr pour la première fois de sa vie voit quelque chose qu’il n’avait jamais expérimenté dans un environnement artistique : l’obtention de plusieurs résultats avec une seule et même logique.

Quelques années plus tard, il se servira de la structure du cube et de l’hypercube comme d’un système sur lequel appliquer des règles de composition et créer des constructions graphiques.

La différence entre programmer et exécuter : La séparation de l’artiste et de l’œuvre

La programmation n’est pas forcément qu’un concept inhérent à l’ordinateur ou à l’informatique en générale. Sol Lewitt, pionnier de l’art conceptuel et de l’art minimaliste, n’écrit pas de protocoles destinés à des machines. Pourtant, ses méthodes de création sont très proches de celle des artistes numériques, il utilise le langage naturel.

Il a écrit le premier manifeste sur l’art conceptuel ou il affirme que « L’idée devient une machine qui fabrique de l’art»18. Sol Lewitt, à la manière d’un architecte, d’un compositeur ou d’un programmeur, réalise les plans de l’œuvre, en écrit le programme19. Le premier Wall Drawings a été conçu en 1968. Il poursuivra cette série jusqu’à sa mort, en 2007. Ce sont des dessins muraux, pour lesquels il met en place des séries d’instructions nécessaires à leur réalisation. Il joue sur les ambiguïtés de ses protocoles, en omettant volontairement des détails, pour pousser l’exécuteur à prendre des décisions personnelles. En couplant ces ambiguïtés avec les espaces qui ne sont jamais les mêmes, l’œuvre qui en résulte est toujours unique alors que la logique est la même. Après l’exposition, l’œuvre physique est effacée, jetée a la poubelle, puisque seul le concept est viable pour Sol LeWitt. C’est un certificat qui atteste de l’authenticité du dessin mural. Il sert aussi de protocole, ainsi que le diagram, une sorte de schéma d’instructions. Ses œuvres réinterrogent la place de l’artiste, qui n’est ni présent, ni exécuteur, seulement concepteur. Le concept de la main de l’artiste est remis en cause. L’impact majeur de Sol LeWitt sur l’art contemporain était son insistance sur le fait que le rôle de l’artiste était d’être un penseur au lieu d’être un maître de la création, pour lui le produit de l’esprit est plus important que l’œuvre. L’idée principale de Sol Lewitt était de créer des systèmes qui s’adaptent à tous types d’endroits, qui peuvent être transmis aux artistes, qui durent dans le temps et qui ne nécessitent pas sa présence20. Le diagramme et le certificat suffisent à conserver les plans de l’œuvre, ce qui permet qu’elle soit reconstruite.

Et c’est ce que fait le projet {Software} Structures créé en 2004 par Casey Reas, accompagné de Jared Tarbell, Robert Hodgin, et William Ngan.

L’idée était de programmer quelques un des Wall Drawings dans l’espace de l’écran. Comme l’explique Casey Reas dans un écrit à propos de ce projet, Sol Lewitt a passé sa vie à penser et planifier ses dessins de manières statiques. Dans un logiciel, les structures peuvent devenir dynamiques. Il compare ainsi la différence entre les instructions que Sol Lewitt donnaient à des humains, et celle données à un ordinateur, qui n’est pas capable de prendre des décisions personnelles :

Dans un dessin mural, le plan peut déclarer «dessiner une ligne», mais dans une structure logicielle, le plan peut déclarer «dessiner une ligne se déplaçant de gauche à droite». Dans un mur, dessiner le plan peut déclarer «des éléments ne se touchant pas» mais dans une structure logicielle le plan peut déclarer «lorsque deux éléments se touchent, créez une nouvelle ligne»21

Lorsqu’il programme le Wall Drawings #85, il explique que son travail a été de traduire la description dans un format que l’ordinateur comprend. Pour ce faire, il a été obligé de prendre des décisions personnelles; comme lorsque le/les dessinateurs traçaient l’œuvre au mur. Cependant, quelques différences apparaissent, comme le fait qu’il n’a pas obtenu les imprécisions et l’irrégularité du tracé humain. Pour autant, le concept est toujours présent, seuls les outils ont changés. 22

Les langages de programmation, des systèmes pour construire

Un langage pédagogique: Logo

Après avoir étudié la philosophie et les mathématiques en Afrique du sud puis avoir fait de la recherche en mathématiques à Cambridge en Angleterre, Seymour Papert part à l’université de Genève ou il rencontre le philosophe et psychologue suisse Jean Piaget. De la Suisse, il se rend ensuite au États-Unis, dans le laboratoire MIT comme associé de recherche. Il travaille sur l’apprentissage. Il devient professeur de mathématiques appliqués, et peu de temps après devient le Co-directeur du laboratoire d’intelligence artificielle, fondé par le Professeur Marvin Minsky. Ils écrivent en 1969 le livre «Perceptron» qui marque un tournant dans le champ de l’intelligence artificielle. Seymour Papert était l’un des premiers a reconnaître le potentiel de l’ordinateur dans l’éducation23. Fin 1960, Seymour Papert imagine le langage Logo. Durant les année 1970, le langage se prépare et se conçoit dans les laboratoires du MIT. Le langage Logo à été conçu dans un but pédagogique. Il permet d’accéder plus facilement à la programmation, avec des instructions simples comme «Lever le crayon», «Tourner à gauche» etc. Les enfants utilisaient ce langage pour programmer les mouvements d’une tortue mécanique, aujourd’hui transposée dans l’espace d’un écran, au sein du logiciel GéoTortue24.

Dessiner des objets avec ce langage est alors plus intuitif et plus simple, mais demande quand même de structurer les différents éléments qui compose le dessin. Il est nécessaire de construire pas à pas le dessin, et de le concevoir comme un parcours. Pour ce faire, on peut passer par une construction de modules, ou il faut déconstruire le sujet.

En programmation, l’affichage du dessin est fragile et sa forme repose sur le respect des règles du code. Pierre Braun explique dans l’Ensauvagement graphique du code que «la moindre modification du code peut paraître comme un trait inessentiel, mais déjà il déjoue l’image et révèle les mouvement de la mémoire et de l’oubli qui rôde dans l’écriture graphique générative.»25

La structure avant la forme : le système TeX.

Donald E.Knuth est professeur en informatique, mais est aussi l’auteur de nombreux livres, ainsi que du système TeX, conçut pour la préparation de document et de MetaFont, conçut pour le design typographique. Donald E. Knuth affirme que l’art de la conception de caractères ne sera pas entièrement compris tant qu’il ne pourra pas être expliqué a un ordinateur26. Il dit aussi que «L’expérience nous a enseigné que nous comprenons beaucoup mieux un concept après avoir réussi à l’apprendre a autrui ; l’avènement des ordinateurs a confirmé l’axiome».

Dans tous ses systèmes, il n’y aucune interface graphique, pas de jolis boutons à cliquer. Il n’est pas possible de voir le résultat durant la saisie, mais celui-ci peut être prévisualisé après le traitement du fichier. L’idée est que l’auteur décrive avant tout la structure logique. Le point négatif de ce langage, d’après ses utilisateurs, est qu’il est plutôt fastidieux à apprendre. C’est un langage qui à été publié en 1982 (vieux à l’échelle du temps informatique, programmé en PASCAL), et aucun des langages modernes n’existaient. Il est aussi très bas niveau.

Pour écrire en langage TeX, on dispose de commandes qui sont appelées «primitives», et permettent de définir d’autres commandes, appelée «macros-instructions» ou «macros». Les utilisateurs utilisent ces macros pour la création de différentes extensions (appellées package) comme l’est par exemple le «Tikz», qui permet de faire des dessin vectoriels. Les macros peuvent aussi être précompilées pour être incorporées dans un exécutable appelé « format » qui embarque le langage TEX dans sa totalité ainsi que des macros précompilées, dont LaTex fait parti27.

MetaFont est le frère sombre mais indispensable de TEX, comme le décrit avec humour Christophe Grandsire, dans un tutoriel d’utilisation de MetaFont28. C’est un système qui permet de générer des typographies variables. En identifiant le squelette de la lettre, il y a une relation entre les points d’encrage et non plus une description par contours, ce qui permet de gérer les variations plus facilement. «La «métafonte» est une description schématique de la manière de dessiner une famille de font, et non pas simplement une description des tracés eux-mêmes. Ce sont deux manière de concevoir une digitalisation bien différente. Cette méthode se nomme la conception paramétrique. Le dessinateur d’une métafonte peut obtenir une infinité de résultats, en changeant les nombreux paramètres appliqués aux lettres.

Design by numbers, Processing

Design by numbers est créé en 1999, par John Maeda. C’est un langage de programmation qui à été conçu dans le but de proposer une approche simple aux artistes et designers graphiques. Avec très peu de lignes de code, il est possible d’obtenir des formes complexes, et voir en direct les actions du code dans une petite fenêtre à côté. DBN a été développé par le groupe Aesthetics and Computation au laboratoire MIT, et le projet s’est poursuivis à travers Processing, un autre langage de programmation mis en place par Ben Fry et Casea Reas.

Casey Reas et Benjamin Fry créent Processing en 2001, un langage de programmation open-source. Dans une idée de simplification et d’accessibilité, ils proposent a l’utilisateur de créer un « sketch ». L’idée est toujours de pouvoir esquisser rapidement un visuel, sans pour autant avoir besoin d’écrire des centaines de lignes de codes. Processing possède des nouveautés par rapport a DBN, comme l’utilisation du temps réel et du son. La syntaxe de processing est simple : size() / point() / line() / triangle() / rect() / ... Des formes de bases sont disponibles, la première étape consiste à choisir le format du dessin, puis ensuite de choisir les formes et de définir leur coordonnées dans le plan.L’idée du brouillon est très importante pour Casey Reas, puisqu’il conçoit la programmation de la même manière qu’un storyboard : décortiquer et réaliser chaque étapes du programmes indépendamment, puis les assembler.

Processing fait partie de la Processing Foundation, dont Ben Fry et Ca- sea Reas sont les co-fondateurs. Même si il a initialement été programmé en Java, il est aujourd’hui possible d’écrire en Processing dans plusieurs autres langages, tel que le propose P5.js, une "interprétation" de Processing dans les technologies du Web.

Les perspectives actuelles

Dessin en réseaux

Olivier Auber est un chercheur indépendant dans le domaine de l’expérimentation culturelle et des réseaux et artiste français. En 1986, Olivier Auber imagine le générateur poïétique, un projet qu’il décrit comme une sonde qui traverse l’espace des relations humaines29. Il a été ensuite développé en 1987. Il réalise cette œuvre participative dont il établi les règles. Les participants connectés interagissent en temps réel en dessinant dans une grille de 20 x 20 pixels. Aussi, le but n’est pas de gagner ou de perdre, mais de permettre à un ensemble de personnes de dessiner dans un même espace. La composition finale est le résultat du processus de communication des participants. Pour dessiner, il faut cliquer avec sa souris sur les pixels qui forment la matrice. Aujourd’hui, on passe par un sélectionneur de couleur RVB et non plus par quelques couleurs prédéfinies. Les matrices des participants se juxtaposent dans cette même page web, les uns a la suite des autres, le premier participant connecté se retrouvant au centre et les autres s’enroulant dans un mouvement de spirale. Les expériences réalisées sont comme un miroir, un reflet de la réalité, où l’on observe tente de s’approprier son espace tout en observant celui des autres. L’image globale est chaotique au départ et aucun lien ne relie les espaces. Puis, au fil du temps, chacun tente de s’exprimer et de communiquer par le biais du dessin avec son voisin, de s’organiser avec et dans son environnement. Le dessin devient outil de communication, il est un langage. Il mute malgré un espace restreint, se transforme au gré des interactions collective des joueurs. Une matrice est un monde, une matrice s’efface, se retrace, mute ou disparaît. Le nom du jeu est emprunté de la poïétique, et tire ses origines étymologiques grecques de poièsis qui signifie au sens premier «production» et «création». L’autopoièse, qui en grec est la combinaison d’auto, «soi-même» et de poièsis, est un modèle d’organisation de réseau inventé par Humberto Maturana et Francisco Varela en 197230. Le concept d’autopoièse signifie la propriété d’un système de se produire lui-même, en permanence et en interaction avec son environnement, c’est un concept qui à largement inspiré de nombreux artistes et scientifiques, le jeu de la vie de John Conway en est aussi un exemple.

Conçu en 1970, c’est une de ses œuvres les plus connues. C’est un jeu autonome, son évolution n’étant déterminée uniquement par son état initial. Pour interagir avec le jeu de la vie, il faut choisir une configuration initiale et observer son évolution.

Les règles du jeu de la vie, comme indiquée dans le WikiLife, un Wikipédia conçu entièrement pour le jeu, sont au nombre de quatres :

1-Toute cellule vivante avec moins de deux voisins vivants meurt (appelée sous-population ou exposition [1]). 2-Toute cellule vivante avec plus de trois voisins vivants meurt (appelée surpopulation ou surpeuplement). 3-Toute cellule vivante avec deux ou trois voisins vivants vit, inchangée, pour la génération suivante. 4-Toute cellule morte avec exactement trois voisins vivants prendra vie.

Ces quatres règles suffisent à produire des résultats surprenant, et les nombreuses personnes ayant joué au jeu ont participé à la collecte de nouvelles formes, dont beaucoup portent des noms, tel que les «oscillateurs», qui sont des cellules qui alternent entres deux positions. Un oscillateur est un modèle qui se répète lui même. Le premier oscillateur trouvé est le «Blinker», par John Conway lui-même en 1970. C’est le plus commun et le plus petit des oscillateurs. Il existe de nombreux autres modèles, parmis ces autres modèles, nous pouvons citer les structures stables appelées «encore vivant», les vaisseaux qui retrouvent leur états initiaux tout en se déplaçant, les canons qui fabriquent des vaisseaux au bout d’un certain nombre d’étapes etc.

La page Wiki contient 1345 modèle (incluant 538 oscillateurs, 135 vaisseaux et 322 encore vivant)31. Ici, ce sont les calculs de l’algorithme qui provoquent des formes animées, et la masse d’utilisateurs qui ont permis de collecter ce catalogue de dessins.

Contributions massives

Tant que des nouvelles personnes découvriront et contribueront au projet, ce portait vivant continuera de se transformer et de grandir, afin que ça ne soit virtuellement jamais la même vidéo deux fois de suite. Chris Milk, créateur du Johnny Cash Project.32

C’est pour rendre hommage à Johnny Cash qu’à été réalisé le Johnny Cash Projet33 en 2010. Le but est que chaque participant redessine une image du clip, pour l’assembler avec celle des autres participants afin de recréer un clip entièrement graphique. Trois images aléatoires tirées du clip «Ain’t No Grave» sont donc mises à la disposition des participants qui désirent contribuer à cette commémoration virtuelle. Et des participants au projet, il y en a énormément, sinon le projet n’aurait que peu de sens. Chaque dessin est stocké dans une base de donnée, et participe à la création de l’œuvre. Tout les dessins réunis forment un gigantesque portrait virtuel de l’artiste.

Chris Milk a conceptualisé ce projet avec Aaron Koblin, le créateur de The Sheep Market34 un autre projet qui mixe dessin et base de donnée. Dans The Sheep Market Aaron Koblin demande à des employés d’Amazon Mechanical Turk (marché de crowsourcing), de dessiner un mouton tourné vers la droite en échange de 0,02 dollars. Il récolte 10,000 participations, qu’il regroupe dans un site web, qui fait office de boutique ou l’on peut acheter les moutons. C’est un projet qui questionne sur le marketing collaboratif35.

Comment faire deviner un dessin à une machine?

Le groupe Google Creative Lab36, met en place en mai 2017 le jeu Quick, Draw!37. Il s’agit d’un réseau de neurones, un domaine du machine learning. C’est un type de réseau qui s’inspire du fonctionnement des neurones biologique, et qui prend la forme d’un algorithme.

Disponible en open source, le jeu permet aux joueurs de soumettre un objet en le dessinant, et l’ordinateur le reconnait dans les 20 secondes. Les joueurs du jeu Quick, Draw! ont participé à la collection de données open-source de 50 millions de dessins classés dans 345 catégories. Les dessins ont été capturés sous forme de vecteurs horodatés, étiquetés avec des métadonnées38. Parmi ces métadonnées, il y a un identifiant singulier, l’objet que le joueur a été invité à dessiner, s'il a été ou non reconnu, dans quel pays il se trouvait et enfin un tableau contenant les coordonnées des points qui composent le dessin. Les règles du jeu sont simple, mais il est étonnant de constater que l’algorithme reconnaît très rapidement l’objet lorsqu’il est conforme à l’idée que l’on s’en fait. Un dessin un peu trop artistique (qui ne pourra pas être trop détaillé au vu du temps imparti) ou trop différent des critères stéréotypés de l’image populaire de l’objet ne sera pas reconnu.

Le projet Sketch-RNN39 est aussi un projet de recherche open source, qui se base sur les données récoltées avec Quick, Draw!40 . Développé par David Ha, Jonas Jongejan, Ian Johnson en juin 2017, il est aussi basé sur le machine-learning et explore le rôle de l’apprentissage automatique en tant qu’outil dans le processus créatif. C’est un outil prédictif, qui n’a besoin de l’intervention humaine que pour choisir la catégorie et effectuer le premier trait. Il continue ensuite le dessin dans le but de représenter l’objet défini par la catégorie. L’algorithme devient capable de continuer une esquisse ou même de prévoir les tracés de différents objets. Les œuvres qui en résultent sont potentiellement infinies, et même non finies.

Deux journalistes, Thu-Huong Ha et Nikhil Sonnad41, font un constat intéressant, à partir de la base de donnée de Quick,Draw!42, lorqu’ils analysent la manière dont nous construisons un cercle. Nous avons des habitudes, des automatismes et des standards lorsque nous dessinons.Une forme basique comme le cercle possède déjà deux méthodes d’exécutions (sens horaire ou anti-horaire). Les joueurs américains, comme 90% des français, tendent à dessiner leurs cercles dans le sens anti-horaire. Au Japon, à l’inverse, les joueurs ont tendance à dessiner un cercle dans le sens horaire. Les journalistes en parviennent à la conclusion que l’apprentissage de l’écriture aurait une influence dans ce processus, la plupart des glyphes japonais étant réalisés dans le sens horaire. En plus de son sens, le tracé du cercle peut aussi être initié à de nombreux endroits.

Les nouveaux outils

L’ordinateur, bien sûr, n’est pas juste un outils de plus, pas plus qu’il n’est simplement la combinaison d’outils divers, sorte de couteau suisse numérique. L’ordinateur est plutôt un méta-outil : il produit d’autres outils.43

Les capteurs et leur utilisation

Le studio Moniker44 basé à Amsterdam et fondé en 2012 par Luna Maurer, Roel Wouters & Jonathan Puckey “explorent les effets sociaux de la technologie – où comment nous utilisons la technologie et comment elle influence nos vies quotidiennes”45. De manière souvent ludique, ils offrent aussi souvent le choix d’intervenir dans leurs dispositifs, comme le propose l’un de leur nombreux projet collaboratif, Painted Earth46. Il a été lancé en ligne après l’ouverture du Galileo Reference Center, nommé ainsi par sa relation au satellite Galileo. Ce réseau est composé de 24 satellites qui transmettent l’heure en temps réel à la surface de la Terre et le Centre de référence Galileo surveille ce processus, ce qui est un travail extrêmement important, comme le souligne Moniker47. Les règles sont simples, il suffit de se connecter sur le site avec son smartphone, de «remplir» une couleur en appuyant dessus et de se déplacer. Après activation de la géolocalisation du téléphone, des «gouttes d’encre» s’impriment sur la page, laissant apercevoir à tous le trajet que l’on effectue; visible pour toujours sur le site. C’est l’allure de l’utilisateur qui influence l’intensité des gouttes d’encre. Au fur et à mesure du trajet, l’encre fictive se vide. Il y a au maximum 50 personnes qui peuvent se connecter dans une seule session. Une session équivaut à une ville. Un tel projet d’une telle ambition que la création d’un tableau mondial, ne peut avoir lieu qu’avec l’arrivée de ces technologies récentes comme la géolocalisation. Le dessin se trace ici après une petite marche, ou une course. Il représente les déplacements dans la ville, qui ne sont jamais effacés. L’idée principale était d’établir une collaboration entre les utilisateurs qui se connecte simultanément au site, et le GPS est là pour nous le montrer.

Dans .walk de Wilfried Hou Je Bek, écrivain et psycho-géographe, il est question de déplacement, mais celui-ci est soumis à des règles strictes. Il qualifie ce type de promenade par «psychogeonamics» dans le site socialfiction.org qui n’est plus accessible aujourd’hui48. Avec quelques indications simples telles que ce qu’il nomme le Classic Walk : «première rue à gauche», «deuxième rue à droite», «deuxième rue a gauche», «répéter», Wilfried Hou Je Bek propose d’arpenter les villes en suivant un programme.

Critique des logiciels contemporains

Comme l’explique David-Olivier Lartigaud dans Retour au code49, les années 1990 et les nouveaux langages de haut niveaux comme le HTML et le Javascript ont fait émerger chez les utilisateurs du numérique une opposition face aux logiciels pré-programmés et une envie de redevenir «maîtres» de la machine en développant intégralement leurs idées.

Il devient alors possible de développer ses propres outils pour dessiner, comme le propose Raphaël Bastide avec «Each Page A Function». Dans une publication qui joint dessin et programmation, il présente 19 dessins numériques réalisés avec 19 outils programmés spécialement pour le projet. Chaque programme permet de reconsidérer le dessin en y ajoutant des contraintes, en l’augmentant ou en le confrontant à des comportements temporels, spatiaux où formels singuliers50. Partant d’une idée simple comme augmenter la taille du pinceau, il construit son propre programme, dont il maîtrise tout les codes. Dans l’article Ce que la programmation fait à l’art, Douglas Edric Stanley51 explique que c’est la programmation informatique qui fait que l’œuvre interactive est interactive, et que qui d’autre, à part l’artiste lui-même ne serait le mieux placé pour concevoir le programme qui définit l’œuvre de manière si intime?52

Pour programmer ces fonctions à dessin, Raphaël Bastide utilise la librairie Javascript Paper.Js53, développée par Jürg Lehni et Jonathan Puckey. Jürg Lehni travaille en collaboration dans toutes les disciplines, traitant des nuances de la technologie, des outils et de la condition humaine54. Il questionne les programmes d’aujourd’hui qui opacifient leurs systèmes, et les standards que nous suivons et ne questionnons même plus. Il l’explique dans Typeface as program55, lorsqu’il revient sur la révolution technologique de ce dernier siècle. Il soulève l’importance du rôle du logiciel et le fait que l’ordinateur soit accepté comme machine simulant les outils ou les processus des autres machines, et que la question de ce que le programme peut où ne peut pas faire est peu présente. En 2001, il conçoit Scriptographer, un plugin open-source pour Adobe Illustrator qui est en vérité l’ancêtre de Paper.Js. Ce plugin encourageait les utilisateurs d’illustrator à mêler programmation et outils préexistants en étendant les fonctionnalité d’Illustrator avec l’usage de Javascript.

Conclusion

Il y a autant de manières d’aborder le dessin qu’il y a d’êtres humains, tout comme il y a mille manières et milles endroits pour dessiner.

La plasticité qu’offre l’outil numérique permet de générer un dessin par de nombreux moyens. La pratique de la programmation dans un contexte artistique est une manière d’explorer et d’appréhender autrement les pratiques créatives que dans les environnements logiciels les plus populaires, qui ne doivent pas demeurer les seuls détenteurs du pouvoir créatif. L’utilisation d’un ou de plusieurs langages de programmation, qu’ils soient utilisés pour concevoir des formes ou des outils, est toujours un moyen d’expression à explorer et dont les possibilités sont infinies.

Des expositions comme CODeDOC56, qui mettent en avant la sous-face des œuvres, le code source, ainsi que les pratiques conceptuelles du code, démontrent bien que la programmation peut prendre une infinité de formes selon les interprétations de chacun, laissant apparaître le style du programmeur, comme on reconnaîtrait le style du dessinateur.

Afficher et montrer le code est déjà un bon moyen de le démystifier.

La programmation n’est pas réservée aux scientifiques, aux mathématiciens ou aux ingénieurs, comme le prouvent ces pionniers des arts algorithmiques, qui se retrouvent bien souvent à la frontière entre arts et sciences. D’autant plus qu’aujourd’hui, les tutoriels disponibles en ligne sont une aide précieuse pour apprendre et comprendre un nouveau langage.

Comme de nombreuses personnes, artistes, designers, chercheurs, étudiants le montrent déjà, la pratique du re-coding, en plus d’être instructive, est un peu une manière de vaincre l’obsolescence en redonnant vie à des projets dont on aurait aujourd’hui que des images et des codes dans des langages de programmations qui nous sont assez éloignés. Seulement, pour étudier les structures et les méthodes de génération des projets numériques, il faut pouvoir accéder à des archives.


BIBLIOGRAPHIE

• Casey Reas, Ben Fry, John Maeda - Processing_ A Programming Handbook for Visual Designers and Artists, 2007

• Olivier Agid, Roseline Bacou, Chrystèle Burgard, Martine Dancer, Philipe Piguet, Trait hors des chemins, musée de Valence, 1995.

• Adrien Frutiger, L’homme et ses signes, traduction Danielle Perret, Atelier Perrousseaux, 2004

• David-Olivier Lartigaud, Art++, Collection: Script, Orléans, France, 2011.

• L’ensauvagement graphique du code, Pierre Braun

• Processing_ A Programming Handbook for Visual Designers and Artists, Maeda/Reas/Fry

• Sol LeWitt: A Life of Ideas, Larry Bloom, 2019

ICONOGRAPHIE

et LISP 1.5, F. P. Mathur, 1972, p.4 https://core.ac.uk/download/pdf/80644799.pdf


  1. HALLÉ Francis, extrait de l’introduction de L’Atlas de botanique poétique, éd. Flammarion, Paris, 2016 

  2. BERGER John, « Il y a une minute du monde qui passe » dans L’air des choses, F. Maspero, Paris, 1976 

  3. Un ruban perforé est une forme de stockage mécanique. L’absence ou la présence d’un trou à un endroit précis représente la donnée en binaire.  

  4. Une présentation de Georg Nees plus précise est disponible sur «compArt: Center of Excellence Digital Art», un référentiel sur la première phase de l’art numérique. C’est un projet de l’Université de Brême, en Allemagne, dont Frieder Nake est le fondateur. http://dada.compart-bremen.de/item/agent/15 

  5. Mémorandum technique sur les langages FORTRAN, ALGOL, COBOL, 

  6. Pattern by 7090, A.Michael Noll, Bell Telephone Laboratories Memorandum http://dada.compart-bremen.de/docUploads/BTL_1962_Memo.pdf 

  7. Interview de Frieder Nake par LinesFiction https://linesfiction.de/lf/index.php/roots-networks/frieder-nake 

  8. Automat und Mensch, A History of AI and Generative Art, 29 mai - 15 octobre 2019, https://www.katevassgalerie.com/automat-und-mensch-a-history-of-ai-and-generative-art 

  9. Do calculating machines like drawing? And if so, why? Considerations from media archaeology, Frieder Nake, https://codesync.global/media/do-calculating-machines-like-drawing-and-if-so-why-considerations-from-media-archaeology/ 

  10. David-Olivier Lartigaud, «Retour au code», Art++, David-Olivier Lartigaud, Collection Script, 2011 

  11. Pierre Braun est le co-fondateur du Centre du Recherche Expérimentale et Informatique des Arts Visuels -CREIAV- avec François Molnar. Il entame en 2011 le carnet de recherche Computer Drawing ou il propose plusieurs travaux de recherches autour de formes historiques et pionnières du Computer Art. Son site est accessible ici : https://computerdrawing.hypotheses.org/ 

  12. Les journaux intimes de Vera Molnàr sont des carnets de recherches qu’elle réalise entre 1973 et 2003 en parallèle de ses programmes. Le CD-ROM fait partie de la Collection Présent Composé-Édition de création et de recherche du laboratoire « L’œuvre et l’image- dirigée par Pierre Braun et associée au programme de recherche » L’œuvre et l’imaginaire à l’ère du numérique “. Équipe d’accueil 3208 - Rennes 2 -] Cd rom Véra Molnar. Journaux intimes 1976-2003, Université Rennes 2, Éditions Présent composé, n°7, 2009. 

  13. Vera Molnar: Enquête sur le code et l’archive, Pierre Braun, HAL 2020, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02505874/document 

  14. L’art et l’ordinateur, Vera Molnàr, Avril 1982 http://www.veramolnar.com/blog/wp-content/uploads/VM1982_artordi.pdf 

  15. Interview et traduction par ANGERIA RIGAMONTI di CUTÒ, filmé par MARTIN KENNEDY, Juin 2018, Studio International Foundation Copyright © https://www.studiointernational.com/index.php/vera-molnar-interview-computer-art-paris-mayor-gallery 

  16. http://emohr.com/mohr_geo_artif.html 

  17. http://emohr.com/sc69-73/vfile_random69.html 

  18. Sol LeWitt, Paragraphs on Conceptual Art, Juin 1967 https://www.corner-college.com/udb/cproVozeFxParagraphs_on_Conceptual_Art._Sol_leWitt.pdf 

  19. BLOOM Larry, Sol LeWitt : A Life of Idea, p.13, Wesleyan university press. 

  20. Conversation entre des artistes qui ont exécutés a ces oeuvres, https://youtu.be/UNbOVR4kw4U 

  21. {Software} Structures, un texte sur l’art logiciel par Casey Reas, https://artport.whitney.org/commissions/softwarestructures2016/text.html#process 

  22. Idem. 

  23. Article sur Seymour Paper par le MIT Media Lab, publié en Aout 2016, https://news.mit.edu/2016/seymour-papert-pioneer-of-constructionist-learning-dies-0801 

  24. GéoTortue est un logiciel développé au sein de l’IREM Paris-Nord. 

  25. Pierre Braun, extrait de l’introduction de l’Ensauvagement graphique du code, publié par Présent Composé, Les Presses Du Réel, novembre 2019 

  26. KNUTH Donald, Le concept de métafonte [article], , Traducteur : M.R. Delorme,1983, p.42 https://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_1983_num_55_1_1549 

  27. Tellechea Christian, Apprendre à programmer en TeX, Septembre 2014 https://www.ctan.org/tex-archive/info/apprendre-a-programmer-en-tex 

  28. Grandsire Christophe, The MetaFont tutorial, ,Version 0.33, 30 décembre 2004, http://metafont.tutorial.free.fr/downloads/mftut.pdf 

  29. AUBER Olivier, Générateur Poïetique, Global Brain Institute seminar 2012: « The poietic generator: a net experience for cognitive research » http://poietic-generator.net/?page_id=31 

  30. KREMER-MARIETTI Angèle, DOGMA, revue de philosophie et de sciences humaines, Réflexions sur l’autopoièse, http://www.dogma.lu/pdf/AKM-Autopoiese.pdf 

  31. Le wiki du jeu de la vie : https://conwaylife.com/wiki/Main_Page 

  32. Ce projet de portrait vivant, selon les mots de Chris Milk, est aujourd’hui inaccessible puisqu’il nécessite Flash Player, qui est devenu obsolète depuis le 12 Janvier 2021 http://www.thejohnnycashproject.com/ 

  33. Idem. 

  34. KOBLIN Aaron, The Sheep Market, 2006 http://tobib.spline.de/sheep/ 

  35. A collaborative survey of digital art made since 2000, Article écrit par Cris, http://www.digiart21.org/art/the-johnny-cash-project 

  36. Jonas Jongejan, Henry Rowley, Takashi Kawashima, Jongmin Kim, Nick Fox-Gieg, au Google Creative Lab et Data Arts Team. 

  37. Quick, Draw!, 2017, https://quickdraw.withgoogle.com/ 

  38. Documentation sur le GitHub du Google Creative Lab https://github.com/googlecreativelab/quickdraw-dataset/blob/master/README.md 

  39. Sketch-RNN, https://magenta.tensorflow.org/assets/sketch_rnn_demo/index.html 

  40. Quick, Draw!, 2017, Ibid. 

  41. How do you draw a circle? We analyzed 100,000 drawings to show how culture shapes our instincts, Thu-Huong Ha & Nikhil Sonnad juin 2017, Revue Quartz. https://qz.com/994486/the-way-you-draw-circles-says-a-lot-about-you/ 

  42. Quick, Draw!, Jeu de pictionnary contre l’ordinateur, 2017, https://quickdraw.withgoogle.com/ 

  43. « Outil (ou le designer graphique face à la post-production) », Andrew Blauvelt, Azimuts, nº 47, Travail, 2017, esadse/Cité du Design, p. 88–103. 

  44. Studio Moniker, https://studiomoniker.com/ 

  45. Studio Moniker on how it’s getting harder for small studios to compete with big tech, Ruby Boddington, 06 mai 2020, https://www.itsnicethat.com/features/studio-moniker-digital-060520 

  46. Painted Earth, 2018, https://painted.earth/ 

  47. Studio Moniker’s collaborative painting tool turns the Earth’s surface into a giant canvas, Ruby Boddington, 24 mai 2018,https://www.itsnicethat.com/articles/studios-moniker-painted-earth-digital-240518 

  48. Dérive programmées, [promenade assistées par ordinateur] Karen O’Rourke,Art++, David-Olivier Lartigaud, Collection Script, 2011 

  49. Dans «Retour au code» écrit par David-Olivier Lartigaud, Art++, David-Olivier Lartigaud, Collection Script, 2011 

  50. https://raphaelbastide.com/raphaelbastide-fr.pdf 

  51. «Douglas Edric Stanley est un artiste d’origine américaine, travaille principalement dans le domaine des nouveaux médias et plus spécifiquement sur les rapports entre algorithme et esthétique. À la fois artiste, designer, curateur, développeur, et théoricien, il s’intéresse à la manière dont différentes disciplines sont transformées par l’algorithmisation progressive du monde.» https://www.hesge.ch/head/annuaire/douglas-edric-stanley 

  52. «Ce que la programmation fait à l’art», Regards croisés avec Antoine Schmitt, Grégory Chatonsky, Samuel Bianchini, Douglas Edric Stanley écrit par Jean-Paul Fourmentraux, Art++, David-Olivier Lartigaud, Collection Scrit, 2011 

  53. http://paperjs.org/ 

  54. http://juerglehni.com/information 

  55. Jürg Lehni, Typeface as programs, 2009, ECAL et JRP 

  56. CODeDOC, 2002 

Interprétations des œuvres de Vera Molnàr par Tania Gaitàn, conçues avec la librairie javascript P5.js mais aussi avec le support du codage des sites P5.js et recodeproject.com

Le Wall Drawing #85, implémenté en Processing par Casey Reas in 2004, puis en p5.js en 2016. Software Structures.

Each Page A Function par Raphael Bastide

                > Écriture d’un code permettant de générer une pluie schématisée dans GéoTortue 
            Explication des procédures :
            En partant du centre de la figure, 
            la première étape a été la création d’un premier 
            petit segment avec la commande Avancer de 10 [pas], 
            puis Lever le crayon, et enfin Avancer de 10 pour 
            se positionner pour le prochain segment et Baisser le crayon. 
            
            Répéter 7 fois cette nouvelle procédure nommée «Goutte_de_pluie» 
            pour obtenir une ligne de gouttes. 
            Pour finir cette première ligne et se préparer à tracer la suivante, 
            Lever le crayon, Tourner à droite de 90 degrés, 
            Avancer de 10, Tourner à droite de 90 degré pour se positionner 
            pour la prochaine ligne de goutte et enfin Baisser le crayon. 
            Cette deuxième procédure est nommée «Ligne1». 
            
            La «Ligne2 comporte les même spécifications, sauf qu’il faut Tourner 
            à gauche et ne pas baisser le crayon à la fin, pour créer 
            un dynamisme entre les lignes.
            Rassembler ces deux fonctions dans une seule nommée «DoubleLigne» 
            et repéter 8 fois cette «DoubleLigne» pour obtenir une «Pluie».
        

Zannoni Samantha, Écrire le dessin, DNSEP 2021.
Je remercie toute l’équipe pédagogique de L'Ésad Valence : Annick Lantenois, Dominique Cunin, Alexis Chazard, Marie Gaspar, Tom Henni, Gilles Rouffineau, Samuel Vermeil.
Merci aussi à mes camarades de classe de la DG5 pour leur aide précieuse et leur conseils avisés lors de la mise en forme de ce mémoire.
Merci à Ariane Corfmat, Ivan Murit et Baptiste Garçia dont les mémoires et les projets m'ont grandement inspiré et aidé! Typographies: Computer Modern, Donald E.Knuth, 1992, et Meta Old French, Luuse, 2018.